Septembre 1938 : Aristides en poste à Bordeaux
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14 quai Louis XVIII, à Bordeaux, cet immeuble abritait le consulat du Portugal en 1940. ©Bernard Lhoumeau
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En 1938, Salazar nomme Aristides consul général du Portugal à Bordeaux, avec la responsabilité des consulats de Toulouse et de Bayonne.
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10 enfants de Sousa Mendes, en septembre 1938. ©Famille de Sousa Mendes
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La grande famille de Sousa Mendes s'installe à Bordeaux en septembre 1938 dans le vaste consulat, au 14 du quai Louis XVIII, entre l'esplanade des Quinconces et la Bourse maritime, face aux magasins et aux entrepôts du port en pleine activité.
L'année même de son arrivée à Bordeaux, Aristides rencontre une jeune musicienne française de 30 ans, Andrée Cibial. Aristides aimait beaucoup la musique. Avec ses enfants, il avait créé un petit orchestre familial, ce qui enthousiasmait la jeune Française. Elle devint très vite amoureuse d’Aristides qui finit par céder à ses avances. Une petite Marie-Rose naîtra deux ans plus tard de cette rencontre.
Mais c’est avec Angelina, son épouse, qu’il fera face aux événements de juin 1940. Elle qui accueillera dans son domicile d’innombrables réfugiés qui fuyaient la mort, et cela avec un inlassable dévouement qui a fait l’admiration de tous.
Septembre 1939, l'Espagne est dévastée, le Portugal reste neutre
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Aristides de Sousa Mendes, en 1940. ©Famille de Sousa Mendes
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Quand la guerre éclate en septembre 1939, Aristides a 54 ans. Son frère César est ambassadeur du Portugal en Pologne lorsque le pays est envahi par les troupes allemandes. Il fait parvenir à Aristides des nouvelles alarmantes.
La guerre semble encore très loin de Bordeaux. Mais l’épouse d’Aristides, Angelina, est inquiète. Ils décident ensemble de mettre à l’abri à Cabanas, dans leur Portugal resté neutre et en dehors de la guerre, leurs huit plus jeunes enfants accompagnés de Fernanda, leur fidèle employée.
Ils traversent une Espagne qu'ils ne reconnaissent pas, dévastée par la guerre civile après la chute de la Seconde République espagnole et la victoire du général Franco.
À Bordeaux, les réfugiés se multiplient
De retour à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes est confronté à des demandes de visas, de plus en plus nombreuses, des réfugiés qui arrivent du nord de l'Europe. Ils fuient devant l’avancée nazie et tentent de partir vers le monde libre par le port de Bordeaux ou les villes portuaires portugaises.
Les consulats bordelais sont envahis de réfugiés réclamant le visa qui leur ouvrira les portes du Canada, de la Palestine, des États-Unis, de l’Angleterre, de l'Amérique Latine ou de l'Afrique…
Salazar, bien que favorable à Hitler et à Mussolini, veut maintenir des relations cordiales avec l’Espagne et la Grande-Bretagne. Il parviendra à conserver la neutralité du Portugal.
La circulaire no14
Le 11 novembre 1939, Salazar envoie à tous ses diplomates en poste la circulaire no14. Elle est destinée à interdire l'entrée du Portugal aux « gens indésirables » vues « les circonstances anormales actuelles » en sélectionnant les réfugiés. Sans accord préalable du ministre, aucun visa ne pourra désormais être délivré aux personnes qui ne sont pas dignes d’entrer au Portugal.
Cette mesure s’adresse particulièrement aux étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige, aux apatrides, aux porteurs de passeport Nansen délivré par la Ligue des nations, aux Juifs expulsés de leur pays d’origine ou du pays dont ils sont ressortissants, aux personnes suspectées d’activités politiques contre le nazisme…
Extraits du texte de la circulaire no14 du 11 novembre 1939 du Ministère des Affaires étrangères du Portugal portant sur la concession de passeports, visas sur des passeports et des inscriptions consulaires
Il devient nécessaire, dans les circonstances anormales actuelles, d’adopter des mesures de précaution et de définir certaines normes, même à titre provisoire, afin de prévenir dans la mesure du possible l’octroi de passeports et de visas consulaires trop facilement et que la police de vigilance et de défense de l’État (PVDE) pourrait considérer comme inapproprié ou dangereux.
Sans pour autant rendre trop difficile l’octroi des documents à certains étrangers en transit par Lisbonne à destination de l’Amérique, pour lesquels nous n’avons ni l’intérêt ni l’intention de gêner ou d’entraver leur circulation.
Dans cette directive est déterminé ce qui suit :
1) En conformité avec les dispositions décrites dans l’article 701 du règlement consulaire, il devient interdit aux consuls de 4e classe de concéder des passeports ou visas consulaires sans une consultation préalable du Secrétariat d’État.
2) Les consuls de carrière ne pourront concéder des visas consulaires sans une consultation préalable du Ministère des Affaires étrangères.
a) Aux étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige, aux apatrides, aux porteurs de passeport Nansen et aux Russes.
b) Aux étrangers qui ne sont pas en mesure de justifier auprès du consul, de manière satisfaisante, les motifs de leur venue au Portugal. Mais aussi à ceux dont le passeport présente une déclaration ou quelque annotation de l’impossibilité de retourner dans leur pays de provenance. Concernant tous les étrangers, les consuls doivent chercher à s’assurer que les demandeurs ont les moyens de leur subsistance.
c) Aux Juifs expulsés du pays de leur nationalité ou de celui dont ils proviennent.
d) À ceux désireux de s’embarquer dans un port portugais qui n’ont pas dans leur passeport le visa d’entrée dans le pays de destination, les billets de traversée par voie maritime et la garantie d’embarquement des compagnies respectives.
Les consuls feront très attention à ne pas entraver la venue à Lisbonne de passagers à destination d’autres pays et tout spécialement aux passagers en transit aériens transatlantiques ou à destination de l’Orient. […]
Pour le bien de la Nation
pour le Ministre Luiz Sampayo
Lisbonne le 11 novembre 1939
Traduction Manuel Dias |